Le 18 juin prochain, le corps électoral de Moutier se prononcera sur son appartenance cantonale. Depuis les plébiscites de 1974-1975, les Prévôtois se sont exprimés à deux reprises, tant dans le contexte d’un vote consultatif communal que dans une procédure officielle dans le Jura bernois. Les résultats ont dégagé une majorité en faveur d’un transfert de Moutier dans le canton du Jura.
Qu’en sera-t-il le 18 juin 2017 ? A quelques semaines du vote, il est difficile de présager le résultat de ce choix historique pour la Moutier. Une appréciation de la situation actuelle démontre que les communes de la ceinture prévôtoise ont émis la volonté de demeurer bernoises, à l’exception de Belprahon. Moutier rejoindra-t-elle le canton du Jura sans ses communes voisines ?
Moutier, dans son histoire, a toujours été liée à Berne. Des actes historiques attestent des liens, souvent contradictoires, qui ont été tissés entre la ville de l’Aar et la Prévôté, combien même Moutier faisait partie de l’Evêché de Bâle. Dès 1486 les relations ont été officialisées. La Réforme a renforcé les liens avec les cantons suisses et les régions protestantes. Nous aurions tendance à omettre que la Révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV, en 1685, a impliqué l’arrivée massive d’Huguenots en Romandie. Les villes réformées étant saturées, les Français ont été placés dans les villages frontières. De la Neuveville, ils étaient orientés vers la Ferrière, Tramelan et Moutier notamment. Comme par hasard, c’étaient des communes frontières avec les régions catholiques. Des noms de famille d’origine huguenote démontrent, 4 siècles plus tard, que ces villages étaient accueillants avec les exclus de France.
Indéniablement, en 2017, il y a une majorité politique de tendance jurassienne en ville de Moutier. Cependant, en comparaison avec la dernière votation sur l’appartenance du Jura bernois le 24 novembre 2013, les données ont changé. A 72% la partie francophone du canton de Berne a dit non à l’appartenance au canton du Jura. L’idéal d’une réunification du Jura s’est effondrée ; les séparatistes du Jura bernois ont baissé les armes. A Saint-Imier par exemple, le mouvement AJU a changé de dénomination. Même à Moutier des autonomistes ont abandonné l’idée d’une réunification. Pour nombre d’autonomistes, le rêve d’un Jura unifié s’est estompé ; à Moutier même, il en est beaucoup qui ne conçoivent pas que la ville seule rejoigne le canton voisin. Surtout la décision de la plupart des villages de la périphérie immédiate de ne pas se prononcer par les urnes les dissuade de déposer un oui au Jura. Le dernier vote de 2013 est tombé comme un couperet. Le Jura réunifié ne se sera plus.
Des enjeux déterminants se manifestent en vue de la votation du 18 juin 2017. Les places de travail du canton de Berne à Moutier sont importantes ; la position de l’Hôpital du Jura bernois SA, avec ses deux sièges à Moutier et à Saint-Imier, interroge son personnel et sa clientèle. Moutier ne sera plus un chef-lieu, mais plutôt la banlieue de Delémont.
D’autres éléments méritent une réflexion, comme la dernière élection au Conseil d’Etat bernois. Le Jura bernois a élu l’UDC Pierre-André Schnegg à la place du PSJB Roberto Bernasconi. M. Schnegg, qui a fait une brillante carrière dans l’industrie informatique, est un homme de conviction et de grande valeur intellectuelle. Il a fait du commerce pendant des décennies et il sait vendre ses idées. Si, par exemple, le Parti socialiste autonome (PSA) avait donné son appui au candidat socialiste, la volonté des antiséparatistes aurait été moins virulente. C’est une certitude . Le pouvoir de conviction de M. Schnegg est particulièrement exacerbé car il incarne fortement le volontarisme en faveur du statu-quo.
A quelques semaines de la votation, je constate que certains paramètres déterminants jouent en faveur d’un refus de rejoindre le canton du Jura. A ce propos, les atermoiements du Gouvernement jurassien atteste le fait que le nouveau canton n’a rien à offrir d’alléchant aux Prévôtois. je dirais que la tendance en faveur du maintien de Moutier est plus déterminante que la volonté de rejoindre le canton du Jura.
Jean-Daniel Tschan
Credit photo : @ Journaldujura.ch