Un collectif de Jurassiens est descendu hier des Franches-Montagnes au bout du lac pour lancer un avertissement sans frais aux Services industriels genevois (SIG): foi de «Taignons» [teigneux, le surnom qu’ils se donnent], les éoliennes prévues chez nous ne se feront pas!
Rappelons que, dans le cadre de leur différend avec l’entreprise Ennova, la régie publique genevoise a souscrit à un divorce à l’amiable. Outre les 15 millions de francs qu’Ennova doit reverser aux SIG d’ici à la fin de l’année, l’établissement autonome récupère aussi, en nature, deux projets d’éoliennes, l’un dans le Jura, l’autre sur Neuchâtel.
Impact
C’est le premier de ces projets – celui de Saint-Brais, prévoyant cinq installations comportant des mâts de 100 mètres de haut – qui met la région des Franches-Montagnes en émoi. Les différents collectifs de riverains se sont regroupés au sein de l’association Librevent, brassant tout autre chose que du vent, hier, lors de leur conférence de presse.
Ils s’appuient notamment sur les témoignages de riverains des deux installations déjà en place. Ces voisins souffrent du bruit, de l’effet stroboscopique provoqué par les pales selon l’angle du soleil et des projections de glace en hiver qui bloquent la possibilité de certaines balades.
Ils portent aussi un regard social, en dénonçant les méthodes des différentes sociétés qui se sont ruées sur les crêtes du Jura pour être les premières à rafler la mise. Ce qui a donné lieu à des pratiques commerciales très agressives – les paysans et les collectivités publiques possédant des terrains intéressants ont été démarchés par des représentants très insistants, faisant miroiter des revenus substantiels pour autant qu’ils se décident rapidement. D’où des querelles de voisinage, de la méfiance, voire des brouilles.
Enfin, la protection du passage les inquiète. «Si on veut remplacer la centrale nucléaire de Mulheberg, cela signifie une éolienne tous les 300 mètres sur les crêtes du Jura. Un vrai saccage», selon Jean-Marc Baume, membre du comité de Librevent.
Des initiatives
Une action politique est en cours. Dans les treize communes concernées, des initiatives ont été lancées. Dans six d’entre elles, une interdiction totale des éoliennes a été plébéscitée. Dans trois, un moratoire de dix ans a été voté. Dans les autres, la démarche est encore en cours.
Juridiquement, ces initiatives n’ont pas de pouvoir contraignant, l’aménagement du territoire étant du ressort du canton, admet Jean-Daniel Tschan, président de Librevent et accessoirement député au Grand Conseil jurassien. Reste que le signal politique est clair et net: les textes ont été approuvés en scrutin populaire avec des majorité allant de 62% à…. 100%. «Avec un tel taux de refus, les autorités sont obligées d’en tenir compte.» Cela relativise aussi certains sondages menés par l’université de Saint-Gall qui mettent en avant un taux de refus de seulement 6% des riverains.
Provisions prévues?
Du côté des SIG, on admet que les deux parcs d’éoliennes obtenus dans le cadre du protocole d’accord avec Ennova ne sont pas considérés comme acquis. Ne serait-ce que parce que l’arrangement n’est valable que si la société verse effectivement les 15 millions dus d’ici au 31 décembre. En l’absence d’un tel versement, la convention tombe.
Pour l’heure, les sommes concernées – les 8 millions en nature pour les deux parcs ou les 46 millions engloutis globalement dans l’aventure – n’ont pas encore été provisionnées. «Notre réviseur a estimé que cela n’était pas encore nécessaire, mais la situation sera réévaluée lors du bouclement des comptes 2013», explique Isabelle Dupont-Zamperini, porte parole de l’entreprise publique.