Le moins que l’on puisse dire, c’est que les sujets de controverse ne manqueront pas aux Franches-Montagnes ces prochains mois. Parfois l’impression demeure que les événements s’accélèrent à une vitesse non maîtrisable. Pendant plusieurs années c’était le calme plat, comme si rien ne se passait. Les habitants de nombreux villages se sont occupés de leurs propres affaires, plutôt positivement si nous considérons tous les projets qui se sont réalisés au cours de ces dix dernières années.
Dans la plupart des villages industriels, l’excellente conjoncture de l’horlogerie permet d’autofinancer ces travaux, donc sans que les communes doivent se grever de dettes. Par contre, d’autres, à vocation plutôt agricoles et/ou résidentielles, tirent le diable par la queue pour boucler leurs comptes. Seule la péréquation financière cantonale apporte une bouée de secours et permet un équilibre financier chancelant. D’une manière ou d’une autre, ce sont les communes à l’aise qui paient pour celles qui éprouvent des difficultés. Ce qui paraît logique pour autant que des mesures soient prises pour améliorer cette situation de dépendance.
Pourtant, nul n’est prophète en son pays, et l’histoire économique de l’horlogerie démontre que cette industrie a toujours été d’une très haute sensibilité à la conjoncture mondiale. Si des villages peuvent, en 2012, se prévaloir de quotités d’impôts attractives de par la présence de quelques contribuables fortunés, il faut savoir que la richesse de rente n’a pas vocation à perdurer.
D’un point de vue économique, l’ici et maintenant n’est pas une garantie pour l’éternité. Et les trois votations qui émailleront ces prochains mois la vie politique des Franc-Montagnards
portent sur l’avenir. Tant la proposition de fusionner les communes que l’implantation d’éoliennes industrielles et l’acceptation de la Charte du Parc naturel régional du Doubs (PNRD) auront, à terme, des répercussions sur ce que seront les Franches-Montagnes dans 10, 20 ans.
S’agissant de la création d’une commune unique, la plupart des opposants admettent qu’il faut améliorer la situation actuelle. Dans les communes, petites et grandes, la complexité des affaires à traiter par les autorités requièrent des compétences de plus en plus pointues. A l’échelle des Franches-Montagnes, toute la paperasse est exécutée 13 fois ! Une somme d’énergie colossale est déployée, souvent pour des effets minimes… en sachant que la plupart des dossiers cruciaux relèvent de la compétence du canton, voire de la Confédération. En lieu et place de défendre des acquis, ancestraux souvent, et de toujours se référer à des pratiques passéistes, l’union des forces villageoises présenterait une efficacité réelle devant les échéances futures qui attendent la région de la Montagne, vis-à-vis de l’extérieur certes, mais aussi sur l’identité de ses habitants. Un exemple pour étayer ce propos : depuis la création de clubs sportifs aux couleurs franc-montagnardes, jamais les résultats n’ont été aussi positifs. Volleyballeuses, footballeurs et hockeyeurs affichent avec honneur et succès la marque « Franches-Montagnes ». Cela n’empêche pas pour autant des équipes villageoises d’exister, avec d’autres ambitions et un autre état d’esprit.
Un vote négatif le 25 mars 2012 sur cet objet aura pour effet de créer une vague de « fusionnette », dont les conséquences ne seront que néfastes à un développement réfléchi et optimal des Franches-Montagnes. Est-ce ce que souhaitent les opposants à la fusion ?
Autre sujet délicat sur lequel devront s’exprimer les citoyennes et les citoyens du Haut-Plateau, les initiatives communales sur la prohibition d’implanter des éoliennes industrielles. La question est bien de savoir ce que nous voulons faire de nos paysages que d’aucuns considèrent parmi les plus beaux du monde. Voulons-nous que nos crêtes, bien modestes en somme, soient mitées d’arrogantes machines industrielles, répulsives et destructrices ? Les cinq éoliennes existantes, comme un laboratoire maudit, constituent une antinomie ignoble à l’identité même des Franches-Montagnes. Les décisions du corps électoral, comme pour la fusion des communes, auront un impact majeur sur la perception interne et externe de la région. L’image en serait ternie à jamais. L’équilibre porteur de richesses entre des paysages idylliques et le foisonnement d’un habitat familial et industriel sera brisé, au profit de gains illusoires et très particuliers.
Finalement il serait souhaitable que la Charte du PNRD soit acceptée pour permettre un développement structuré des Franches-Montagnes. L’exemple de la Vallée du Thal, entre Gänsbrunnen et Balsthal, démontre toute l’importance de la création d’un parc naturel labellisé. En trois ans, cette large vallée s’est donné les moyens de promouvoir notamment des produits locaux et un tourisme léger. Les importants subsides de la Confédération ont permis de valoriser les activités économiques de toute une région montagneuse. Encore une fois, il s’agit de jeter un regard prospectif sur le futur, dans le respect de la nature.
Sur ces trois projets, il en est -on peut les comprendre- qui sont sceptiques et qui diront que l’on a pu, jusqu’à présent, se débrouiller avec succès et que l’on peut continuer ainsi. Mais il faut surtout se poser la question de savoir ce que seront les Franches-Montagnes dans 10 ou 20 ans. Trois scrutins, trois décisions qui marqueront pour longtemps la vie politique, économique et sociale des habitants des Franches-Montagnes. A méditer !