En septembre dernier, nous avons déposé une motion au Parlement jurassien pour adapter les allocations de naissances et d’adoptions à celles en vigueur dans les cantons romands. Dans le Jura, pour chaque naissance ou adoption, les parents reçoivent actuellement Fr. 850.-La motion, que le Gouvernement propose au Parlement d’accepter le 28 janvier prochain, suggère de les augmenter à Fr. 1’500.- Dans le canton de Neuchâtel elles sont de Fr. 1’200.-, contre Fr. 1’500.- dans les cantons de Vaud et de Fribourg. Elles atteignent même Fr. 2’000.- à Genève et au Valais, mais le système de calcul est différent. En 2013, par exemple, le nombre de naissances et d’adoptions s’est élevé, dans le Jura, à 612, ce qui engendrera une majoration des coûts de Fr. 397’800.-, qui seront pris en charge par les caisses d’allocations familiales habilitées à exercer leur activité sur le territoire jurassien.
En nous penchant sur les allocations de naissances et d’adoptions, nous avons relevé quelques chiffres qui méritent une attention particulière, d’une part le nombre des adoptions, d’autre part le problème de la natalité.
S’agissant des adoptions, elles ont reculé, en Suisse, de 1600 en 1980 à 425 en 2013. Dans le Jura, il y en a eu… 3! Selon les chiffres fournis par M. Denis Cuttat, Service de l’action sociale, il y a eu en moyenne 3.6 adotions au cours des 10 dernières années. Le recul s’explique en bonne partie, selon le journal Der Sonntag, par les progrès réalisés par la médecine de la reproduction. Auparavant, les couples avec des problèmes de fertilité adoptaient plus souvent un enfant. En Suisse, à l’heure actuelle, le journal précise qu’environ 3’000 enfants viennent au monde grâce à la fécondation in vitro. Autre explication politique, la Convention de La Haye stipule notamment qu’il faut tenir compte en premier lieu de parents d’origine avant d’envisager une adoption à l’étranger. Actuellement, le temps d’attente pour adopter un enfant, estimé à 5 ans, dissuade nombre de couples.
Donnée de base de la démographie, la natalité constitue un sujet tabou dans notre société. Pourtant elle donne un aperçu de ce que sera la société dans les prochaines décennies. Pour illustrer la problématique en Suisse et dans le Jura, nous citerons quelques chiffres tirés du site de l’OFS. Sachons que le taux de natalité (nombre total de naissances / nombre total d’habitants) dans le Jura se situe parmi les plus faibles (9.5%0) alors que la moyenne est de 10.2%0). Par contre le canton du Jura se distingue par un taux conjoncturel de fécondité parmi les plus élevés de Suisse ; il s’agit du nombre de naissance par femme en âge fécond. Ce taux se monte à 1.67.
Qu’est-ce qui explique cette différente surprenante ? Les Jurassiennes ont en moyenne plus d’enfants qu’ailleurs en Suisse, mais les femmes en âge reproductif (qui connaissent donc une fécondité plus élevée) sont moins nombreuses, relativement à la population totale du canton. Selon le démographe Mathias Lerch, de l’Université de Genève, deux raisons expliquent ce phénomène. Premièrement le canton du Jura, comparé aux autres cantons, connaît une émigration plus importante de jeunes adultes, parents potentiels. Deuxièmement, l’immigration internationale est plus faible qu’ailleurs en Suisse. La combinaison de ces deux phénomènes implique un vieillissement plus rapide de la population et un manque de jeunes parents potentiels, ce qui explique le faible taux de natalité.
Où va le Jura avec un tel régime de fécondité ? La problématique n’est pas spécifiquement jurassienne ni suisse, mais bien européenne. Malgré le vieillissement inéluctable de la population continentale, les politiques familiales éprouvent mille problèmes à se faire une place dans les budgets nationaux. Tout le monde en est conscient, mais les actions concrètes ont de la peine à convaincre.
Finalement ce ne sont pas les Fr. 650.- en plus à la naissance ou à l’adoption qui inciteront les parents à concevoir plus d’enfants, mais il s’agit modestement d’un signe d’encouragement… qui nous rappelle que le vieillissement de la population est inquiétant !
Jean-Daniel Tschan
Député suppléant PCSI
Le Noirmont